Contribution du CARITIG
pour la réunion à l'ANAES

Analyse de la situation

Au cours de ces dix dernières années, des associations de soutien et d'informations pour les personnes transgenres se sont constituées. Notons que la démocratisation de l'outil Internet a également permis de casser l'isolement et apporté une diffusion plus large de l'information.

En 1994 avec le changement du code civil, la législation sur les prénoms a été simplifiée, ce qui a pu faciliter la socialisation de nombreuses personnes transsexuelles en transition, cependant à l'heure actuelle la mention du sexe sur la quasi-totalité des papiers d'état civil demeure un frein.

Au niveau de la prise en charge médicale, aucune évolution notable n'a été jusqu' à présent perceptible. Les actuelles équipes médicales en poste dans les hôpitaux publics se présentent en tant que référence alors que celles-ci ne se consacrent qu' à un nombre limité de transsexuels.

Car la population transsexuelle reste dans son ensemble très réticente à passer par ces équipes. Celles-ci fonctionnent avec des protocoles médicaux correspondant à une perception restrictive de la transsexualité, et non en se basant sur la réalité du vécu des transsexuels.

De ce fait, peu de personnes correspondent aux critères exigés; cet état de fait amène alors certains transsexuels à mentir sur leur orientation sexuelle par exemple, ou à omettre dans le récit, quand cela est possible, certains détails de leur vie afin de correspondre au mieux à ces critères. Voilà notre constat sur un suivi médical, psychiatrique ou psychologique quelque peu vrillé. Précisons que la politique de coercition entretenue par ces équipes est violemment vécue. A l' exemple, entre autre, des certificats médicaux circulant entre les médecins de l'équipe mais inaccessibles à la personne directement concernée; cela donne aux transsexuels un sentiment de soumission totale à cette équipe dans ce qui représente pourtant et souvent l'un des moments le plus important de leur vie.

La chirurgie transsexuelle reste confidentielle en France, en conséquence peu de chirurgiens la maîtrisent. De plus, celle-ci est réalisée dans des conditions difficiles, au centre des controverses des psychanalystes, psychologues et psychiatres qui continuent à s'interroger sur la validité de cette réponse «radicale», aussi elle est loin d'être perçue en tant que chirurgie valorisante. Dans ce contexte, il n'est pas surprenant que les transsexuels s'orientent vers des chirurgiens expérimentés et reconnus par les nombreux témoignages que l'on peut trouver sur internet. Ces chirurgiens ne doutent pas de la légitimité de leur pratique, et améliorent constamment leurs techniques opératoires en participant à des congrès tel que celui de la HBIGDA qui a lieu tous les deux ans. Savoir que le chirurgien qui vous opère le fait par choix, du fait d'un réel intérêt pour la question transsexuelle s'avère rassurant; cela apporte également une sérénité dans le dialogue et au vu de nos données recueillies, nous observons des résultats opératoires supérieurs avec peu de complications.

En ce qui concerne les traitements hormonaux, nous devons tirer la sonnette d'alarme. Les relations conflictuelles avec le corps médical, et plus particulièrement les équipes médicales qui réfrènent la volonté de bien faire de beaucoup de médecins libéraux, amènent nombre de transsexuels à se procurer ces traitements sur internet. Les conséquences sont inquiétantes: prise de produits médicamenteux sans aucun suivi médical.

Sur la base de ce constat, nous pouvons affirmer qu'effectuer une transition en France repose en grande partie sur les moyens financiers: Les personnes à bas revenus sont contraintes de se plier aux rigueurs des équipes médicales en place — celles-ci permettant une prise en charge des frais par la Sécurité Sociale —, les autres se rendent à l'étranger. Nous tenons également à souligner que la méconnaissance du sujet par les professionnels de santé est provoquée actuellement par la préséance des équipes en place.

Préambule à nos attentes:

Il nous semble important de préciser que nous ne sommes pas favorables à l'usage de protocoles, mais bien de recommandations, qui apportent souplesses selon les cas cliniques.

Nous préconisons en particulier l'utilisation de la dernière version des Standards Of Care (SOC) de la HBIGDA publiés en 2001. Ceux-ci sont complets et ont été réactualisés à six reprises. Ces modifications ont permis de fournir les informations les plus justes sur les besoins des transsexuels et des critères plus précis pour les professionnels.

Nos attentes et objectifs:

Le libre choix des différents intervenants dans le suivi d'une transition est une nécessité. Ces intervenants peuvent aussi bien travailler dans les hôpitaux publics, que dans le privé, en équipe, en réseaux ou seuls, en France ou à l' étranger. Tout médecin de par sa formation est apte à suivre une personne transsexuelle.

Tout suivi donne droit à la rédaction d'un certificat ou attestation sur simple demande du patient. L'accès aux dossiers médicaux doit pouvoir se faire dans les conditions établies par la législation actuelle.

A propos du suivi psychiatrique, tout comme les chirurgiens, les psychiatres qui appliquent un protocole particulier devraient en informer leur patient en leur fournissant le document en question afin que ce dernier puisse donner un consentement éclairé pour le suivi à venir.

Si nous ne pouvons aucunement obliger les psychiatres à utiliser certaines méthodes de travail, néanmoins, nous les invitons à évaluer l'intérêt significatif de l'aide à l'auto diagnostic évoquée dans la résolution du Parlement européen du 12 septembre 1989. Une relation de confiance, loin de tout rapport de force, loin de la confrontation, est nécessaire pour la qualité de ce suivi.

Le travail du psychiatre devrait se limiter à un diagnostic différentiel. L'accompagnement nécessite d'être effectué auprès d'un autre thérapeute, tel que présenté dans les SOC de la HBIGDA.

En ce qui concerne les délais pour le diagnostic et l'accès aux traitements des requérants mineurs, nous considérons qu'ils doivent correspondre aux critères des Standards Of Care de la HBIGDA version 6 publiés en 2001.

Les travailleuses du sexe ne doivent pas subir de discriminations du fait de leur activité, et devraient pouvoir effectuer leur transition dans les mêmes conditions que toutes autres personnes transsexuelles. Il en va de même pour les personnes atteintes par le HIV ou une hépatite. Les personnes en prison doivent pouvoir maintenir leur traitement durant leur incarcération.

La chirurgie génitale a une implication déterminante, elle engage l'avenir. Aussi le libre choix du chirurgien représente pour la personne transsexuelle un élément capital dans une décision mûrie. Afin d'éviter tout charlatanisme, les autorités françaises (Sécurité sociale et Conseil de l'Ordre des Médecins) ont jusqu'alors limité aux hôpitaux publics les possibilités d'accès à cette chirurgie. Nous proposons que ces mêmes autorités inversent leur politique, en permettant à tous médecins désirant s'investir dans ce secteur de travailler sans pressions, et en acceptant la prise en charge des frais inhérents à ces interventions, que celles-ci soient effectuées en France ou à l'étranger, dans le public ou le privé.

Pour empêcher tout abus et sortir par-là même d'une politique paternaliste, nous proposons la mise en place d'une commission sur la transsexualité qui pourrait être gérée collégialement par l'ANAES, la Sécurité Sociale et les associations de patients. Cette commission serait chargée d'accréditer annuellement les chirurgiens pratiquant les opérations de réassignation sexuelle, en contrôlant les prestations sur des critères de qualité à définir.

Les prises en charge des frais opératoires ne seraient accordées par la Sécurité Sociale qu'auprès des médecins accrédités. Cela éviterait imparablement tout charlatanisme et assurerait une sécurité quant aux résultats opératoires!

Pour faciliter une intégration dans des conditions optimales, la Sécurité Sociale prendrait en charge, en supplément de la chirurgie de réassignation sexuelle évoquée ci-dessus, les traitements hormonaux, l'épilation définitive, la rééducation vocale, les prothèses péniennes externes, les bandages pour la poitrine et toutes chirurgies esthétiques considérées comme nécessaires évitant ainsi toute stigmatisation.

En juillet 2003, la Cour Européenne des Droits de l'Homme dans l'affaire Goodwin soulignait le droit pour les transsexuels de fonder une famille, aussi l'accès aux CECOS et la congélation du sperme pour les transsexuelles devraient être proposés systématiquement.

Pour finir, nous souhaiterions voir la création d'une commission à l'ANAES sur l'intersexualité.



Document rédigé par Armand Hotimsky
et approuvé par le Conseil d'Administration du CARITIG



© CARITIG septembre 2004

 

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